Gens de Mer et de Rivière, des reportages proposés par Serge Lucas photojournaliste.

Serge a embarqué maintes fois à la rencontre de ceux qui naviguent, des pêcheurs, pilotes ou mariniers, tous Nautes et fiers de leur métier sur l’eau.                                      

Servir [1]

Emile Littré, dans son dictionnaire, donne 35 acceptions du verbe "servir", dont la première "être à un maître comme un domestique". La plupart des autres définitions évoquent cette question de dépendance, plus ou moins soumise… La vingt-neuvième est : "en terme de marine, faire servir, faire fonctionner telle ou telle voile" et l'exemple qui accompagne la définition cite Jean Bart qui dans un rapport écrit : "… les ennemis n'étaient qu'à deux portées de canon de moi, lorsque je commençai à faire servir."  Merci pour le service ! En trente quatrième acception, la notion de "se rendre service" apparaît, mais elle est encore teintée d'une bonne dose d'égoïsme.

Or, plusieurs fois nous utilisons le verbe « servir » et le nom correspondant "service", en évoquant le travail de plusieurs catégories de ces gens de rivière que sont les pilotes, lamaneurs, marins du remorquage, baliseurs, avitailleurs, affréteurs, éclusiers... Un mot que les uns et les autres prononcent le plus naturellement du monde.     

Pour les femmes et les hommes dont le métier a trait à la mer ou aux eaux douces, il revêt une force en même temps qu'une douceur où la noblesse le dispute à l'humilité. Tous servent tout bateau qui se présente dans leur zone d'activité. Contre rétribution ou salaire certes, mais le paiement d'un service ne porte pas à honte quand il est justement fixé. 

Mieux tous ces hommes et toutes ces femmes accomplissent leur œuvre sans se soucier du nom du bateau, de sa nationalité, de son port d'attache, de son chargement, sans détailler la couleur de la peau de ses marins, sans distinguer leurs langues. Ils facilitent de leur mieux la manœuvre. Ils servent. Quel beau verbe ! Quelle belle trente sixième acception !

    "Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main

     Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde

     Si tous les gars du monde voulaient êtr'marins…"

 

     a si bellement écrit Paul Fort.

 

     

     Serge Lucas

 

 


[1] Publié dans Gens de Rivière, Editions Kameleo, et Maison de l'Environnement, 2006 p19.